La loi du 11 février 2005 modifiée pour l’égalité des droits et des chances, dite loi « handicap » vise à renforcer les obligations de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics. Dans son article 2, elle impose de prendre en considération tous les types de handicap physique, visuel, auditif, mental, cognitifs… Complétée par l’ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, ces dispositions tendent donc à rendre l’espace public à tous. Pour cela l’Etat français avait donc mis en place l’agenda d’accessibilité programmée (Ad’AP) ; qui a pris fin au 31 mars 2019 ; afin de permettre aux établissements de se mettre en conformité. Ces dispositions réglementaires avaient également imposer à toute commune de plus de 1000 habitant de mettre en place un Plan de mise en Accessibilité de la Voirie et des aménagements des Espaces publics (PAVE).
Mais qu’en est-il aujourd’hui ? 6 ans après les dernières dispositions réglementaires et alors que notre population vieillie, notre espace public est-il devenu réellement plus accessible ? Certes, les mesures de confinement limitent pour le moment nos capacités de déplacement, mais une fois que la crise sanitaire sera derrière nous, tous les français seront-ils réellement « libres » de se déplacer ?
Des ERP relativement bien adaptés
Les dispositions réglementaires prévoient tout d’abord une mise en conformité des Établissements Recevant du Public (concept bien connu des français depuis maintenant 1 an). Le constat est ici positif : tous les bâtiments administratifs sont aujourd’hui largement accessibles aux personnes handicapées ou en situation de perte d’autonomie. De plus, rare sont les restaurants, bars et autre qui ne disposent pas d’une situation d’accès pour ce public-là. Sur ce point-là, et forcé par la contrainte, les mesures prises par le gouvernement français semblent donc avoir porter leurs fruits. Cependant, le problème d’accessibilité semble être aujourd’hui ailleurs.
49% des personnes âgées déclare être gêné dans ses déplacements
En effet, il semblerait aujourd’hui que le problème ne soit pas d’accéder à un bâtiment mais bien de pouvoir s’y rendre. Le transport semble donc être la composante clé de l’accessibilité. Bien évidemment, la question du déplacement en voiture est ici hors de propos, il faudra donc regarder les transports collectifs.
Prenons tout d’abord la question des transports en commun, à Paris notamment. Sur les 14 lignes de métro que compte la capitale, seulement une est aujourd’hui adaptée aux personnes à mobilité réduite. Ainsi, si je veux me rendre en métro (car prendre le métro doit pouvoir être mon choix) de la place de la République aux Grands Magasins, il me faudra tout d’abord marcher 45min pour rejoindre Châtelet, prendre le métro jusqu’à la Gare Saint Lazare, avant de marcher une nouvelle fois 10min pour rejoindre ma destination. Plus grave encore, seul 2 lignes de RER sur 5 sont aujourd’hui accessibles, la A et la B, et encore pas dans leur totalité. Ainsi, une personne à mobilité réduite résidant en Seine-Saint-Denis se voit refuser l’accès à la capitale. Alors certes, l’entièreté du réseau de Bus est accessible aux PMR ainsi que le Tramway de conception plus récente mais cela est-il suffisant ? La réponse semble aujourd’hui être non.
L’exemple de Paris semble évident mais il s’applique également aux autres métropoles françaises. Ainsi, à Marseille, aucune station du Métro n’est accessible aux personnes en situation du handicap et seulement une partie des lignes de bus. L’offre de transport au sein des villes semble donc poser un véritable problème, mais qu’en est-il pour les transports interurbains ?
Partir à Paris oui, en revenir non
Dans le cas du transport ferroviaire, le constat n’est ici pas réellement évident. En effet, d’une part la grande majorité du matériel ferroviaire est aujourd’hui adapté aux personnes à mobilité réduite (mis à part certain TER d’ancienne génération) permettant alors des déplacements facilités pour les personnes en situation d’autonomie limitée. Cependant, il n’est est pas de même pour les gares. En effet, si nous prenons le cas des gares « rurales », l’accès aux quais pour les personnes présentant des difficultés à se déplacer n’est souvent pas prévu.
Prenons alors l’exemple d’une personne âgée ou à mobilité réduite souhaitant effectuer un aller-retour entre Châtellerault (86) et Paris. Dans le sens aller, tout va bien : L’accès au bâtiment de la gare se fait par une rampe d’accès comme cela est prévu pour les ERP. Comme à son habitude, le TGV pour Paris est annoncé en voie A, collée au bâtiment voyageur et pour laquelle l’accès peut se faire par une rampe. Le TGV, comme tout le matériel roulant à grande vitesse dispose des équipements nécessaires. A l’arrivée la Gare Montparnasse, propose escalators et ascenseurs. Le parcours est donc optimisé. C’est au retour à Châtellerault cependant que cela pose problème. En effet, le TGV arrive alors en voie C, au milieu des voies. Pour sortir de la gare, seul un passage sous-terrain est alors prévu et c’est alors que notre personne âgée devra tout d’abord descendre une vingtaine de marches avec sa valise avant d’en remonter une vingtaine. Certes, vous me direz que les autres passagers peuvent aider mais à l’heure où notre société se vieillit, n’est-il pas possible d’adapter nos équipements pour garantir la sécurité de tous. Quand la SNCF avait commandé des TER trop large, n’avait-elle pas était en mesure d’adapter ses quais en urgence ? Alors pourquoi n’est-elle pas en mesure d’adapter ses quais aux usagers alors que cela est prévu par la loi ?
Et notre mobilier urbain dans tout cela ?
Oublions maintenant les transports pour se concentrer sur le bâti urbain. Pour adapter notre pays au vieillissement et au handicap, la première étape semble a priori d’adapter nos villes et leurs mobiliers. En effet, on pourra constater que nos trottoirs sont souvent trop étroits, trop haut afin de permettre un cheminement au passage piéton rendant donc la mobilité difficile pour les personnes âgées ou handicapées. Les passages piétons eux même ne prenne pas en compte les difficultés de déplacement, de vision ou d’ouïe d’une certaine partie de la population et pourtant des solutions simples peuvent exister. Pourquoi ne pas généraliser la mise en place de « bateau » ou de rampes de franchissement afin de permettre à tout le monde de traverser plus facilement la rue, a minima sur les artères principales des communes dans un premier temps car cela n’est encore pas toujours le cas ? Et pour les passages piétons, pourquoi alors ne pas mettre en place des sonneries comme cela peut être le cas aux États-Unis afin d’informer les personnes en difficulté ? Ce sont ici deux mesures simples, bien que coûteuse, qui permettrait véritablement d’améliorer le quotidien des personnes en situation de perte d’autonomie.
Des améliorations en vue avec la Loi Grand Age ?
Nous pouvons bien le voir, le déplacement est une vraie problématique pour de nombreuses personnes dans notre pays (49% des personnes âgées pour être précis) du fait d’un manque d’équipement de nos villes et de nos systèmes de transports urbain et interurbain.
La loi Grand Age, bien que décalée dans le temps du fait de la crise sanitaire, a pour objectif de permettre une véritable adaptation de notre pays au vieillissement. Alors pourquoi ne pas profiter de cette loi afin de compléter les dispositions de 2005 et 2014 afin d’adapter nos villes et nos services publics de transport de la même façon que ce qui a pu être fait pour nos musées, bars ou restaurants ?