L’édition 2025 de l’Observatoire OCIRP / Viavoice « Salariés aidants et dialogue social » met en lumière une réalité sociale croissante : de plus en plus de salariés assument en parallèle un rôle d’aidant auprès d’un proche, avec des conséquences fortes sur leur santé, leur vie professionnelle et le fonctionnement de l’entreprise.

Un phénomène massif… et encore méconnu

Selon l’étude, entre 8 et 11 millions de Français sont des proches aidants non professionnels, dont 61 % sont en activité professionnelle
Si l’aidance est souvent associée aux seniors, les chiffres montrent que ce n’est pas le cas : l’âge moyen d’entrée dans la situation d’aidant est de 34 ans, et l’âge moyen des salariés aidants est d’environ 44 ans .
Les aidants consacrent en moyenne 20 heures par semaine à la personne aidée, ce qui équivaut à plus d’une demi-journée de travail en plus.

La nature de l’aide est d’abord morale (70 %), puis domestique (62 %) et logistique/déplacements (56 %) .

Des impacts lourds sur la santé morale et le bien-être

L’étude présente un bilan préoccupant : 44 % des salariés aidants se déclarent en difficulté sur le plan de la santé mentale .
Cette proportion monte à 60 % pour ceux qui aident leur conjoint, et à 58 % pour les aidants vivant sous le même toit que la personne accompagnée
Plus d’un aidant sur deux ressent aussi un épuisement physique/psychologique, un isolement, ou des épisodes dépressifs.

Les principales causes identifiées sont le manque de temps pour soi, la surcharge au travail, l’absence de soutien hiérarchique ou institutionnel, et la difficulté à poser des limites entre leurs deux vies.

Une fragilité sur le plan professionnel

Les salariés aidants subissent aussi des répercussions dans leur emploi :

  • 31 % déclarent des difficultés professionnelles liées à leur situation d’aidant.

  • 36 % disent avoir renoncé à une promotion, une formation ou une opportunité de carrière.

  • 20 % craignent devoir abandonner leur poste à cause des contraintes de l’aidance.

  • Les managers et DRH perçoivent l’aidance comme un frein réel aux performances individuelles et à l’organisation.

Cette double charge (professionnelle + aidance) génère une tension constante entre les exigences du travail et le besoin de soutien envers les proches vulnérables.

Le dialogue social : un levier encore trop peu utilisé

L’une des originalités de l’édition 2025 est l’accent mis sur le dialogue social — c’est-à-dire la négociation collective, l’engagement des partenaires sociaux, et les dispositifs formalisés au sein des branches ou des entreprises.

  • 93 % des partenaires sociaux considèrent que des accords collectifs encourageraient les salariés aidants à se révéler.

  • Les organisations syndicales privilégient majoritairement l’échelle branche professionnelle pour négocier ces dispositifs (84 %).

  • Les organisations patronales sont plus partagées : autour de la moitié préfèrent le niveau branche, l’autre moitié le niveau entreprise.

  • Les mesures les plus attendues incluent : la flexibilité des horaires, la réduction de la charge de travail, l’octroi de congés ou temps de répit, et l’intégration des dispositifs dans la protection sociale complémentaire.

  • Le rôle de référent aidant (au sein de l’entreprise) et les plateformes internes d’orientation sont fortement plébiscités par les DRH, managers et aidants eux-mêmes.

L’étude souligne que les solutions au cas par cas ne suffisent plus : les dispositifs doivent être structurés, formalisés, et sécurisés par des normes collectives pour être efficaces.

Enjeux clés et pistes d’action

L’édition 2025 de l’Observatoire met en exergue plusieurs messages à retenir :

  1. La banalisation de l’aide à un proche parmi les salariés : ce n’est pas un phénomène marginal, mais un enjeu d’entreprise et de politique sociale.

  2. La reconnaissance formelle : permettre aux aidants de prendre la parole sans crainte, via des dispositifs négociés et encadrés.

  3. La combinaison de leviers multiples : aménagement du temps, soutien externe, référents internes, dispositifs de répit, formation, protection sociale complémentaire.

  4. Le rôle central du dialogue social : sans négociation collective et engagement des partenaires sociaux, les mesures resteront trop fragmentaires.

  5. La prévention coûte moins cher que le laisser-aller : les coûts liés à l’absentéisme, au turnover, à l’épuisement ou à la perte de talents peuvent dépasser les investissements dans des dispositifs de soutien.

Conclusion

L’étude OCIRP / Viavoice 2025 confirme que salariés aidants et dialogue social ne sont pas deux sujets disjoints : il est urgent que les entreprises et les syndicats intègrent la question de l’aidance dans les négociations et les politiques RH.
À défaut, le risque est celui d’un malaise silencieux, de départs subis, de souffrance au travail, ou d’une double fracture — sociale et productive — entre ceux qui peuvent absorber cette charge et ceux qui ne le peuvent pas.

Télécharger : La 5e édition de l’Observatoire OCIRP Salariés Aidants® #JNA2025

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